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Vernissage: samedi 23 novembre 2024 à 16h, en présence de l'artiste
Sous moi donc cette troupe s’avance,
Et porte sur le front une mâle assurance.
Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port,
Tant, à nous voir marcher avec un tel visage,
Les plus épouvantés reprenaient de courage !
Le Cid, Corneille, Acte IV, scène 3
Le monde est ainsi fait. Il n’est que le combat de formes et de figures, de formes contre les figures, des figures contre les formes. Et ce combat se décline péniblement et malheureusement lorsqu’il s’agit de chacune des existences qui compose le monde.
Se tenir alors droit avec « une mâle assurance » face à ce que le monde propose est une manière de se tenir avec insistance dans les énergies qui décomposent le monde.
Juste faire tenir une image, je sais que ce mot déplait, alors disons faire juste tenir une sensation organisée du monde pour que nous puissions le sentir, le penser, voire y croire.
L’assurance, ce n’est pas la certitude d’une vérité désolante du monde.
Être assuré, c’est savoir que les conditions de sérénité de l’esprit existent, subsistent par notre insistance – la mâle assurance n’est donc pas la virilité mais la générosité qui permet de « faire avancer les uns et soutenir les autres ».
La peinture d’Assan Smati touche encore une fois après des tableaux Révolution, Parade, Nekuia, à ce qui devrait permettre d’avoir une perception sensible du monde. D’aucuns désignent cela pour la dévaluer par « émotion » compris comme sensibilité extrême aux atteintes du monde. Je ne crois pas que le mot convienne car nous avons oublié que l’émotion est une mobilisation pour un combat dont le front nous échappe toujours puisqu’il s’agit de la constitution maladroite de nos existences.
L’émotion ne fait bien souvent que nous rassurer sur nous-mêmes, elle ne devient bien souvent qu’une forme de caresse égocentrique et narcissique qui justifie une forme d’indolence. Peut-être faut-il que s’adjoigne à l’émotion cette « mâle assurance » qui donnerait une fermeté à ces formes et figures changeantes – qu’Assan Smati exprime en parlant de cette « réglure » qui organise ce qui se passe à l’intérieur du champ pictural et empêche le désarroi du regard.
Lyon, Novembre 2024, Kader Mokaddem
Photos: Christof Weber