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Pour sa troisième exposition personnelle à la Galerie Nosbaum & Reding, Damien Deroubaix s'est provisoirement détourné de l'univers grunge et autres apocalypses sonores, dont les références pullulaient dans ses allégories picturales où les pépées estropiées le disputaient à un bestiaire foutraque, appelant ici à bouffer du béké (« Eat the rich »), se contenant là d'un « yeah » un peu con.

Réputé pour ses investigations aussi intrépides qu'ambiguës dans le champ de la culture vernaculaire, « le plus allemand des peintres français » (Thibaut de Ruyter) s'est cette fois-ci inspiré du grand Dürer, plus précisément par sa gravure Nemesis (Das große Glück), dans laquelle la déesse grecque du même nom (qui, comme chacun qui a subi ses foudres le sait, est synonyme de vengeance) est assimilée à sa compère romaine Fortuna (qui, comme chacun qu'elle persiste à bouder le sait, signifie la chance). Illustrant cette duplicité, la figure de Dürer manie à la fois le calice, récompense pour celui qui sait se tenir, et les rênes, châtiment qui attend tous ceux qui se sentiraient pousser des ailes : Zuckerbrot und Peitsche, comme disait Bismarck, une histoire (teutonne ?) de carotte et de bâton, en somme.

Malgré son titre coquet, Pusteblumen, le tableau central de cette exposition sous le signe de ladichotomie dürerienne, si l'on ose dire, a tout du scénario de fin du monde, une impression que vient confirmer son codicille, Spread the disease. Comme quoi, on ne se refait pas. Sous la main de l'artiste, la métaphore du gentil pissenlit, dont le bambin joufflu souffle gaiement les graines, devient synonyme de contagion insidieuse : virus, infections, maladies sexuellement transmissibles, en veux-tu, en voilà. Ce tableau en particulier pourrait emprunter son mode opératoire à Gustav Klimt, dont personne n'ignore plus que les portraits, sous des dehors de dorure, laissent pointer la décadence que l'on est venu à attribuer à l'Europe fin de siècle ; passons sur l'actualité de ce genre de constat morbide. Or, loin des séductrices du symboliste viennois, la femme fatale dans l'?uvre de Damien Deroubaix se présente sous les traits d'une double figure christique lâchée au gré des vents, semonce maléfique que s'apprête à accueillir un champ enjambé par un improbable pont à haubans. Cet aggloméré crucifié d'aigle de deutschemark et de tête de potiche extraite d'un vidéoclip se demande visiblement ce qui lui vaut ce calvaire. La faute à pas de chance, sans doute.

Damien Deroubaix, né en 1972 à Lille, France, vit et travaille à Berlin. Parallèlement à son exposition à la galerie Nosbaum & Reding, il participe à la triennale « La Force de l?Art 02 » au Grand Palais à Paris. Récemment il a été nominé pour le prestigieux Prix Marcel Duchamp. Dès septembre 2009 démarrera une importante exposition itinérante de l?artiste intitulée « Die Nacht », au Saarlandmuseum Saarbrücken, à la Villa Merkel à Esslingen ainsi qu?au Kunstmuseum St. Gallen.

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